Ambronay

Retour sur les Rencontres d'Ambronay (3) Jeunes pousses et jardiniers/

Retour sur les Rencontres d'Ambronay (3) Jeunes pousses et jardiniers

© Bertrand Pichene

Rencontres d'Ambronay 2022/ Insertion professionnelle & Ruralité

Retour sur les Rencontres d'Ambronay, 3ème étape : accompagner et faire émerger les projets des jeunes créateurs dans les campagnes.

Le Centre culturel de rencontres d'Ambronay (Ain) a initié, en partenariat avec l'Association des Centres culturels de rencontre, trois jours de remue-méninges intense du 19 au 21 mai sur le thème : « Jeunes créateurs-trices & insertion professionnelle : entre mobilité européenne et circuits courts ». Une réflexion en mouvement sur une tendance de fond : l'installation et l'ancrage de jeunes artistes et acteurs culturels sur des territoires, notamment ruraux. Effet post-Covid ou mutation profonde, liées aux enjeux écologiques et sociaux du XXIème siècle ? Les témoignages et débats de ces trois jours ont tenté d'apporter des réponses à ces questions.


Étape 1 : définir les mots
Étape 2 : arpenter les territoires
Étape 3 : accompagner & faire émerger les projets

Les Rencontres d'Ambronay proposaient d'explorer les analogies entre culture et agriculture. Après avoir mis en lumière les initiatives des territoires en termes de mobilité et de création locale (des « circuits courts » aux « AMAP culturelle »), la métaphore est poussée plus loin.

Les jeunes pousses artistiques qui s'implantent sur un territoire ne vont pas instantanément accoucher de récoltes ni même de prairies fleuries. La question de l'insertion au cœur des Rencontres d'Ambronay pose celle de l'accompagnement des équipes.

Du côté institutionnel, Laurence Martin, représentante du ministère de la Culture, décrit six différents types de soutien : les appels à projets pour des résidences d'artistes ; le soutien des équipements implantés localement (SMAC, tiers lieux, lieux intermédiaires) ayant pour vocation d'accueillir des artistes émergents ; le soutien aux festivals ; le soutien à des dispositifs nationaux tel que celui proposé par les Ateliers Médicis, qui propose des bourses de recherche et de création.

Mais des « trous dans la raquette » subsistent : plusieurs intervenants critiquent le recours systématique à l'aide au projet qui épuise les associations dépourvues de fonds de fonctionnement. Par ailleurs, la fin des emplois aidés a fortement grevé le milieu associatif et notamment celui de la jeune création.

Au-delà des dispositifs mis en place par le ministère et les collectivités territoriales, il existe heureusement des exemples de compagnonnage. Johanna Silberstein, directrice de la Maison Maria Casarès, CCR implanté en Charente-Maritime et orienté vers la création théâtrale, a ainsi mis en place le dispositif « Jeunes pousses ». Il s'agit d'accompagner, deux ans durant, de jeunes compagnies, en leur offrant un plateau, du temps et des moyens. Cela passe aussi par un apprentissage de l'autonomie, avec une aide à la structuration et à l'implantation.

« Il faudrait des milliers de maisons Casarès en France » ! a commenté Grégoire Pateau, qui a mené pour l'UFISC la mission « AJITeR : « Faciliter l’Accueil des Jeunes adultes et de leurs iInitiatives en Territoires Ruraux ». Il préconise, pour accompagner les initiatives, des mises en réseau sur un bassin de vie, pour substituer avec la logique de coopération à celle de compétition.
Les participants se sont accordés sur les principaux leviers d'insertion des jeunes créateurs : l'inscription dans un projet culturel de territoire ; l'appui et la coopération avec les structures existantes, telles que les parcs nationaux ; des approches transversales prenant en compte les enjeux de la ruralité. « Et surtout, qu'on cesse de parler de déserts culturels ! Tout territoire se prête à l'invention et l'expérimentation »

Décentraliser ou décentrer ?

Faut-il voir là les prémices d'une autre décentralisation ? En France, la décentralisation culturelle est partie du centre. Même s'il n'aurait pu exister sans le soutien des collectivités territoriales, le maillage conséquent d'institutions culturelles sur le territoire est dû majoritairement à l'initiative du ministère de la Culture, depuis les centres dramatiques nationaux et chorégraphiques jusqu'aux Scènes de musiques actuelles, en passant par les centres d'art contemporain, les scènes nationales et la myriade d'institutions labellisées.

Ce qui s'esquisse avec le foisonnement de laboratoires présentés aux Rencontres d'Ambronay, c'est peut-être une nouvelle décentralisation, née de l'initiative des territoires, et qui ne se contente pas de « décentraliser », mais « décentre ». Il s'agit moins « d'amener la création sur un territoire » que d'initier des fécondations croisées entre différents acteurs culturels, sociaux, économiques, agricoles dans un lieu déterminé et surtout pas fermé.
Dans leur extrême diversité, ces expériences ne se contentent pas de semer les graines d'actions artistiques, mais elles conjuguent la production culturelle à d'autres formes de production relocalisées. Plutôt que des « centres », elles initient et entretiennent des écosystèmes ouverts qui bousculent nos paysages mentaux et nos paysages tout court. Les jeunes créateurs des Rencontres d'Ambronay ensemencent d'autres modèles, culturels mais aussi économiques et écologiques,au moment où le besoin s'en fait particulièrement sentir. Hétérotopies à suivre !

Envie d’en découvrir plus ? Découvrez le compte-rendu des échanges en écoutant le podcast n°3 des Rencontres d’Ambronay !

[textes originaux : Valérie de St Do]