Pour cette étude, le diagnostic des étudiantes a été rythmé par plusieurs étapes : consultation de ressources fournies par les centres et par l’ACCR, recherches autonomes pour appréhender et baliser le terrain ainsi que les acteurs qui l’animent, élaboration d’une liste de personnes à rencontrer ainsi que de grilles d’entretien avant la réalisation des passations et de l’analyse des verbatim, déplacement sur le terrain d’une semaine pour une immersion, mise en place de comparaisons avec des modèles existants et similaires pour s’inspirer et mieux comprendre le site par effet miroir, suggestions d’améliorations ou pistes à explorer, … Pour chaque CCR, les étudiantes ont mené un travail personnalisé répondant à des enjeux identifiés en concertation avec les équipes sur place.  

Au-delà de la mission d’observatoire des CCR, ce projet répond également à un engagement cher à l’ACCR, à savoir accompagner les futur.es professionnel.les de la culture dans leur formation.

Focus sur la Chartreuse de Neuville /

Ci-dessous retrouvez des extraits commentés du dossier « Étude exploratoire sur le potentiel de développement touristique de la Chartreuse de Neuville et son intégration dans les dynamiques locales » réalisé par Ziying Chen, Stéphenka Lina, Costanza Ricci et Arianna Suzzi.

Ainsi, cette étude exploratoire a notamment mis en lumière les enjeux liés à l’intégration de la Chartreuse dans les dynamiques touristiques locales ainsi que la perception qu’en ont les acteurs concernés. Pour ce faire, elles se sont penchées sur le positionnement touristique de la région, les principaux flux de visiteur.euses, les atouts et faiblesses du territoire, ou encore sur les attentes des visiteur.euses.

/ L’identité du site

L’exemple de la Chartreuse a notamment permis d’illustrer une des spécificités du réseau des CCR, à savoir des lieux où des patrimoines se côtoient et où les couches d’histoires successives qui font le lieu sont valorisées dans une approche dynamique et non figée.

« Au fil des siècles, ce lieu a développé une identité riche et multiple, marquée par des facettes qui se superposent et se complètent : une identité religieuse et spirituelle ancrée dans sa fondation monastique, une vocation artistique et culturelle née de l’ouverture aux artistes et à une volonté de démocratisation de l’art, une dimension humanitaire et sociale qui s’affirme dès la Première Guerre mondiale avec l’accueil des réfugiés belges, ainsi qu’un rôle médical et social en tant qu’asile et hospice. Plus récemment, son identité patrimoniale et entrepreneuriale moderne s’est également affirmée, témoignant d’une adaptation continue aux besoins de chaque époque.

Malgré la diversité de ces identités, un fil conducteur les relie toutes : l’incarnation d’un lieu de refuge et de communauté. Que ce soit dans la retraite spirituelle des moines, l’accueil des artistes et des ouvriers, le soutien aux réfugiés de guerre ou l’assistance aux personnes vulnérables, ce lieu est avant tout un espace de protection, de solidarité et de partage. Cette vocation d’accueil et de soutien, inscrite dans chaque transformation, constitue l’essence même de son identité, un héritage de refuge qui perdure au-delà des époques et des usages. »

A propos des patrimoines portés par les CCR, les étudiantes se sont intéressées aux jardins de la Chartreuse : « Reflétant une approche authentique et durable de la culture du vivant, ils se distinguent des nombreux jardins de bricolage présents dans la région, souvent orientés vers des pratiques plus standardisées. Leur fonction pédagogique est dans ce cadre un aspect majeur, en permettant aux visiteurs de découvrir des techniques de jardinage respectueuses de l’environnement et de se reconnecter à la nature. Ce caractère éducatif, combiné à la beauté sauvage et cultivée de l’espace, donne aux jardins de la Chartreuse une place unique dans son territoire. »

« Les jardins de la Chartreuse ont pour mission de promouvoir une alimentation saine et durable en sensibilisant les visiteurs aux pratiques agricoles responsables. Grâce à des ateliers éducatifs, les participants découvrent les techniques de jardinage écologiques, les bienfaits d'une alimentation durable et des solutions pratiques pour adopter un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Les jardins s’ouvrent également à des jeunes en difficulté, des adultes en réinsertion sociale et des personnes vulnérables, renforçant ainsi leur rôle de lieu d’inclusion sociale et de partage.

Ils représentent un espace de transmission des savoirs, de socialisation et de reconnexion à la nature, en favorisant des rencontres entre différents publics — bénévoles, travailleurs, jeunes, retraités, personnes isolées — et en créant un réseau de solidarité autour de valeurs partagées. L’institution elle-même décrit cet espace comme un lieu inclusif de croisement entre biodiversité naturelle et humaine.  

« Le jardin Vavilov est un projet phare inspiré par le travail du scientifique russe Nikolaï Vavilov. Ce jardin conservatoire, en partenariat avec le Centre de Ressource de Botanique Appliquée de Lyon et le Centre Régional de Ressources Génétiques, s’attache à préserver des variétés de plantes anciennes et à renforcer les stocks de semences adaptés aux changements climatiques. Les graines issues de l’Institut Vavilov de Saint-Pétersbourg sont multipliées sur place et réintroduites dans les banques de graines, contribuant à une base de données de semences en France. Ce travail contribue à la résilience de l'agriculture face à l’érosion de la biodiversité et aux défis climatiques. »

Le diagnostic des étudiantes est tout autant un outil d’aide à la décision qu’un outil de valorisation du site, soulignant points forts, spécificités des lieux et engagement des équipes.

« La Chartreuse incarne un idéal de solidarité et de partage. Plus qu’un lieu, elle incarne l’idée de refuge, qui invite chacun d’entre nous à s’immerger dans une communauté, une mémoire vivante et une nature préservée. »

/ CCR & multiactivité

Ce projet a aussi permis de mieux faire connaître le réseau des Centres culturels de rencontre, réseau encore relativement peu identifié, et d’en faciliter son appréhension par de futurs professionnel.les.

Les étudiantes ont pu découvrir la philosophie portée par les CCR et la partager que ce soit avec les personnes rencontrées dans le cadre des entretiens ou bien avec les équipes, permettant de prendre du recul et de se rappeler qui on est, quelles valeurs animent le lieu et quels points pourraient évoluer dans un contexte tendu aussi bien humainement qu’économiquement parlant.

« En tant que Centre Culturel de Rencontre, la Chartreuse de Neuville porte un projet ambitieux et pluridisciplinaire articulé autour de quatre pôles d’activités, chacun apportant une contribution unique au développement de ce lieu historique :

- Le pôle création et patrimoine se consacre à la mise en valeur de l’histoire et de l’héritage culturel de la Chartreuse

- Le pôle insertion et formation répond aux enjeux d’inclusion sociale en proposant des programmes dédiés aux personnes en situation de précarité ou en recherche de réinsertion.

- Le pôle écosystème d’innovation sociétale positionne la Chartreuse comme un laboratoire d’expérimentation pour des projets d’impact social. L’institution culturelle accueille et connecte divers acteurs – publics, privés et associatifs – pour co-créer et tester des modèles d’entrepreneuriat social.

- Le pôle pilotage économique et fonctionnel se concentre sur la gestion durable de la Chartreuse, tant sur le plan financier que patrimonial. Ce pôle supervise les travaux de restauration et veille à la pérennité du site, en élaborant un modèle économique solide qui permet à la Chartreuse de rester fidèle à sa mission tout en assurant sa viabilité à long terme. »

« Même sans enquête formelle sur la perception du label, il est possible de considérer que la Chartreuse, dans ce cadre, est perçue comme un lieu de communauté et d’accueil. À travers ses projets culturels de qualité, elle s’efforce de devenir un espace où patrimoine et innovation artistique se rencontrent. Le label CCR renforce ainsi cette identité, en soutenant une vision où culture, histoire et dynamisme social s’unissent pour offrir une expérience unique aux visiteurs. De plus, le label offre également une plus grande visibilité au site, en le positionnant comme un lieu de référence dans le domaine du patrimoine vivant et de l’innovation culturelle. 

Ainsi, pour Nord-Pas-de-Calais Tourisme, la Chartreuse est avant tout une « entreprise humaine », une aventure associative et collective en plein essor. Pour l’Office de Tourisme de Montreuil-sur-Mer, elle est perçue comme un îlot isolé dans la plaine, visible de loin mais difficile à appréhender dans son intégralité. Quant à l’Office de Tourisme de Berck, il évoque un lieu d’ouverture, de culture et d’échange, offrant des opportunités diverses comme le théâtre ou le jardinage.

Ces témoignages montrent que chacun retient des aspects spécifiques de la Chartreuse, mais que cette pluralité de perceptions manque d’homogénéité. La Chartreuse est vue à travers des perspectives différentes, ce qui rend son identité globale difficile à cerner. Dans ce cadre, le défi ne concerne pas la réduction de la pluralité des récits liés à l’institution, mais à révéler l’harmonie profonde interconnectée entre ces diversités. »

Ces entretiens sont à plusieurs reprises revenus sur la difficulté pour les CCR à se faire comprendre et à être appréhendé et compris d’un seul tenant, demandant de la part des équipes un fin travail de communication.  

Par les chiffres apportés et ou bien par les témoignages recensés, les étudiantes ont pu appuyer sur ce qui relevait de l’ordre du sentiment ou de l’impression de la part des équipes. Et sont ainsi venues éclairer des problématiques spécifiques et énoncées par le CCR. Par exemple, cette question de la communication et de la perception du sité était demandée par le CCR notamment suite à la mise en ligne récente de son nouveau site internet.

Par ce travail d’observation active et d’échange avec les acteurs touristiques, les étudiantes suggèrent qu’un travail sur la visibilité du label est à faire, faisant directement écho au ressenti général du réseau, aux missions de l’ACCR ainsi qu’à la déclaration de Madame Rachida Dati lors de son déplacement à l’abbaye de Sylvanès le 29 juillet 2025.

/ Un écosystème d’acteurs

Lors d’une semaine de déplacement sur le terrain en novembre dernier, les étudiantes ont pu appréhender les dynamiques touristiques du territoire et rencontrer plusieurs acteurs du secteur, occasion de souligner les synergies déjà en œuvre et de suggérer des améliorations.

Le groupe a notamment réalisé une cartographie des sites touristiques de la région selon différentes catégories afin de repérer des partenaires potentiels pour la Chartreuse et de mieux comprendre l’identité de la région. Cela permettant aux CCR de se positionner dans une logique de circuit et de destination touristique. Une analyse SWOT a aussi été réalisée par leurs soins.

« Même si la Chartreuse est considérée comme un élément stratégique du réseau d’acteurs, il y a un manque de coordination systématique entre eux. Cette absence de synergie limite non seulement les opportunités de collaboration, mais aussi la capacité de chaque acteur à maximiser son impact sur le développement culturel et touristique du territoire. Il serait donc pertinent de mettre en place une approche structurée et collaborative, visant à établir des partenariats solides et réguliers avec les différentes parties prenantes. » À la suite de cette observation, les étudiantes ont notamment suggéré d’être en lien plus fréquemment avec l’OT du Touquet pour, entre autres, réceptionner des supports de communication et ainsi assurer la valorisation du CCR. 

/ Suggestions de pistes à explorer

La commande passée aux étudiantes comprenait également une partie préconisations afin de profiter de leur regard extérieur et de leur expertise en matière de gestion et de valorisation touristique du patrimoine.

Parmi leurs suggestions peuvent être cités :

- Le lancement dans une démarche de labellisation Green Destination. Le groupe a ainsi rédigé une présentation du label et de la démarche d’obtention, relevé des partenaires potentiels sur le territoire, souligné des freins éventuels repérés à l’échelle du CCR pour la mise en œuvre, et présenté un exemple détaillé d’un site le possédant, en l’occurrence le Château du Rivau, et pouvant être un allié/une source d’inspiration dans cette démarche.

- La rédaction d’un nouveau storytelling autour du CCR autour de la notion de refuge qui permet de déployer le projet de la Chartreuse. 

- De nouvelles manières de communiquer sur le CCR que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le site Internet du lieu, en donnant une fois encore de nombreux exemples à valeur d’inspiration.

- La création d’un pass communauté Chartreuse pour lequel une liste de partenaires potentiels et des suggestions de tarification ont d’ores et déjà été étayées par les étudiantes ainsi qu’un exemple concret partagé.