Dans le cadre d’une mobilité apprenante Erasmus+ organisée par l’ACCR et l’Abbaye aux Dames, des membres du réseau des Centres culturels de rencontre ainsi que des partenaires sont partis du 24 au 28 mars 2025 à l’Abbaye de neimënster, au Luxembourg, afin d’échanger sur les résidences d’artistes.
La question des résidences d’artistes a permis d’aborder de nombreux sujets annexes, au-delà de la seule notion de création. Ainsi, insertion à la vie quotidienne du site, instauration de moments de rencontre avec les équipes et les usager.ères ou encore conditions d’accueil ont été discutées.
/ Tisser du lien avec le territoire
Sans en faire une injonction, le site qui accueille l’artiste en résidence peut lui suggérer divers temps de rencontre avec le territoire, que ce soit à l’occasion d’une sortie de résidence sur site, d’une intervention en milieu scolaire ou bien auprès d’acteurs locaux qui s’attèlent à fédérer les habitant.e.s, de la participation à un événement programmé au sein du centre, d’un simple moment informel de convivialité, …
Il convient d’instaurer un dialogue avec l’artiste afin de cerner ses envies et ses besoins sans imposer un modèle préétabli.
Le milieu scolaire est un endroit privilégié à travailler qui permet d’aller à la rencontre de et ainsi d’atténuer progressivement la barrière symbolique du franchissement du seuil du site. Les interventions hors les murs permettent de créer du lien sur un terrain connu tout en faisant comprendre que le site qui les porte leur appartient et leur est ouvert tout autant. Sur cette question, si l’EAC est en France institutionnalisée avec des ponts entre le ministère de la Culture et le ministère de l’éducation, c’est un projet à devenir au Luxembourg.
Le centre social Belle rive, partenaire de l’Abbaye aux Dames, partage également tout le travail de rue mené par les bénévoles qui consiste à créer du lien avec les habitant.e.s afin d’aborder ensuite, par des détours, le projet artistique et culturel de l’Abbaye aux Dames. Il s’agit de créer, dans un premier temps, une certaine confiance et connivence qui apporteront du crédit aux invitations à venir. De cette manière, les habitant.e.s sentent qu’ils sont eux aussi intégrés et porteurs des projets.
/ Faire preuve d’hospitalité
L’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme stipule, entre autres, l’égale dignité des cultures et affirme que l’individu est par essence un puits de culture. Quant à la diversité culturelle, il s’agit du droit de chacun à faire des emprunts, de les mélanger à sa guise pour construire sa parole. Il convient donc pour les Centres culturels de rencontre de garantir ce mouvement à tout le monde qui permet de s’ouvrir à de nouvelles perspectives culturelles et artistiques. Ainsi, dans cette volonté de créer des lieux refuges, les CCR œuvrent davantage dans l’approche des cultures de tous que dans la culture pour tous.
Dans cette dynamique, le centre social Belle Rive a pu partager son projet social autour de l’accueil inconditionnel définit comme suit : « Le premier accueil social inconditionnel garantit que toute personne rencontrant des difficultés ou souhaitant exprimer une demande d’ordre social bénéficie d’une écoute attentionnée de la globalité de ses besoins et préoccupations afin de lui proposer le plus tôt possible des conseils et une orientation adaptée, dans le respect du principe de participation des personnes aux décisions qui les concernent. »
La barrière de la langue pouvant apporter des obstacles à une bonne communication, l’Abbaye de neimënster s’attache à constituer une équipe pluridisciplinaire et multilingue.
Concernant les lauréat.e.s Nora, L’ACCR met également en place un projet de mentorat qui permet de lier des personnes avec de l’expérience dans le domaine culturel aux artistes afin de partager leur expérience d’arrivée, de résidence, de trajectoire dans la vie professionnelle, …
Selon les situations, les équipes des CCR peuvent se trouver face à des incompréhensions culturelles, à des personnes en situation de grande détresse matérielle et psychologique ou encore d’agressivité et de comportements discriminants. Selon les circonstances, le lien peut être repris en se rattachant au projet artistique pour lequel est accueilli.e l’artiste ou encore en se rattachant aux textes de loi qui permettent une certaine mise à distance. L’élaboration et le partage de livrets d’accueil peuvent aussi permettre de poser certaines limites en stipulant par exemple le positionnement du centre au regard des VHSS.
/ Penser les conditions d’accueil
Avant l’arrivée en résidence…
L’Abbaye de neimënster s’attèle à créer des liens avec les résident.e.s en amont de leur arrivée. Cela passe notamment par plusieurs échanges de mails, des appels téléphoniques ou bien des discussions par visioconférence. Il s’agit d’apprendre à connaître le.a résident.e afin d’anticiper son arrivée et notamment de préparer les espaces en conséquence.
Ces échanges en amont permettent aussi aux artistes de mieux appréhender le site de la résidence que ce soient ses spécificités ou bien son environnement. Les CCR étant pour les deux tiers en milieu rural, appréhender cet isolement est une étape clé pour une résidence plus sereine.
Afin de préparer cette arrivée, nombreux sont les centres qui organisent un moment d’accueil : la Saline royale privilégie le temps du midi pour présenter l’artiste à l’équipe, l’Abbaye de Noirlac invite les artistes à déjeuner dans leur maison de la convivialité afin de rencontrer le personnel et de se présenter ainsi que leur projet pendant une trentaine de minutes, la Cité du Mot opte pour un petit déjeuné partagé lors de la première semaine de résidence, l’Abbaye de neimënster organise un temps de rencontre entre tous.toutes les résident.e.s, … Ainsi la question de l’accueil est travaillée à l’échelle du site et pas uniquement de la personne en charge des résidences.
La Cité du Mot prépare aussi un panier avant l’arrivée des artistes qui les attend dans le logement. Celui-ci contient des aliments de base pour commencer la résidence, permettant ainsi d’anticiper l’offre limitée de restaurants et de commerces à la Charité-sur-Loire.
Pendant la résidence…
Sur place, l’Abbaye de neimënster se compose d’équipes techniques à disposition pour modifier les studios selon les besoins de l’artiste. Les équipes sont aussi là pour leur présenter les conditions dans lesquelles ils vont être accueillis : présence d’autres artistes ou non, si oui sur telle discipline, actualité du centre à cette période, possibilités de lien avec le territoire, …
Il s’agit d’offrir un cadre de travail rassurant afin que les résident.e.s se sentent à l’aise et libre de créer. Pour cela, le cadre, le matériel et les relations humaines sont nécessaires.
Se questionner sur l’hospitalité invite à se mettre à la place d’autrui et d’essayer d’imaginer ce qui pourrait lui être le plus bénéfique. Dans ce sens, la Cité du Mot a souhaité mettre en place des binômes artiste/habitant.e. Le CCR, par sa fine connaissance du territoire, est en mesure d’identifier des habitant.e.s disposé.e.s à prendre part à cet accueil. Ainsi, l’artiste est attaché au territoire et dispose de repères, et l’habitant profite d’une certaine forme de voyage. Cette possibilité profite notamment aux artistes exilé.e.s lauréat.e.s du programme Nora, coordonné par l’ACCR depuis 2016, qui, au-delà de l’accompagnement artistique, sont en demande d’un soutien émotionnel.
Les participant.e.s se sont également penché.e.s sur la question de l’accueil des familles : comment conjuguer la parentalité avec une carrière artistique et une exposition internationale ? Sans partir de présupposés, il convient de s’adapter et d’offrir un panel de différentes formes de résidence. Cette souplesse de la part des structures accueillantes permet de limiter ainsi pour certain.e.s les freins d’accès à des opportunités de travail. Cette attention portée à l’accueil repose sur le fait de laisser le choix de choisir le type de travail que l’on souhaite.
Parmi les résidences à imaginer, peut être envisagée la segmentation des résidences sur de courtes périodes, offrir des possibilités de garde d’enfant, informer et accompagner sur la scolarisation des enfants en itinérance, permettre aux conjoints ou à un proche de venir, … Par exemple, l’Abbaye de neimënster autorise la venue du conjoint sur 30% du temps de résidence afin de ne pas nuire à l’effet bulle que permet un temps de résidence. Il s’agit de proposer des solutions tout en garantissant le bénéfice d’une résidence qui consiste, principalement, en un temps de création pour soi. De manière très concrète, dans le cas d’un.e résident.e avec enfant, l’Abbaye de Noirlac propose un avenant à la convention pour basculer la responsabilité du site au parent.
En somme, il s’agit pour les centres de communiquer sur ces opportunités : inscrire dans l’appel à projet que le lieu est un site inclusif et ouvert à recevoir ce type de candidature (cela s’appliquant pour toutes les formes de discriminations auxquelles peuvent faire face les artistes comme établies par la loi).
L’Abbaye de neimënster travaille actuellement sur un questionnaire afin d’aller chercher ce que les artistes attendent d’une résidence pour permettre aux équipes d’anticiper et de mettre à jour des éléments auxquels elles n’auraient pas pensé.