• Mes années aux Centres culturels de rencontre

Mes années aux Centres culturels de rencontre/

lettre d'Yves Dauge

Mes années aux Centres culturels de rencontre

Yves Dauge était président de l'ACCR de 2010 à 2018. Ancien Maire et Sénateur de Chinon, il s'engage très tôt sur les questions du patrimoine. Il fut missionné sur le Plan Coeur de Ville en 2015 sous le gouvernement Valls. 

C’est Alain Rafesthain, président du Département du Cher que je connaissais lorsqu’il était président de la région Centre-Val de Loire, qui m’a proposé la présidence de l’Abbaye de Noirlac... Il voulait avec Jean-Pierre Saulnier, son vice-président, faire de Noirlac un projet culturel de territoire : passer d’un festival à une action permanente de développement culturel. L’idée d’un Centre culturel de rencontre les séduisaient. Ce fut ainsi que débutait pour moi l’aventure des CCR avec ces élus si motivés et compétents, avec Paul Fournier le responsable du projet très vite embauché qui s’est imposé à tous.

Quelques temps après, alors que Jean Maheu, président de l’ACCR, avait annoncé sa décision de partir, Francis Maréchal, Olivier Corpet, François de Banes Gardonne sont venus me voir au Sénat pour me demander de prendre sa succession. Je veux les remercier de leur confiance, du rôle important qu’ils ont joué notamment au cours de ces premières années. Je commençais à connaître le réseau mais je sentais la nécessité de franchir une étape. Il fallait nous réorganiser, renouer des relations avec le Ministère, avec nos membres, régler des problèmes financiers ... déménager !

Après le départ de Jean-Noël Mathieu, j’ai pensé à Isabelle Battioni que j’avais repérée ! Elle avait l’expérience d’un centre et les qualités pour devenir la responsable du réseau auprès de moi. Avec les trois « solliciteurs », toujours très présents, nous avons pensé qu’Isabelle était une chance pour tous. Elle a accepté et Alain Brunet, son président que je ne connaissais pas encore, nous a aussi soutenus et des liens d’amitiés se sont noués entre nous. Liens d’amitiés qui se sont d’ailleurs développés avec tous les directeurs des Centres. Tout au long de ces années, certains sont partis, d’autres se sont éloignés mais beaucoup nous ont rejoint et nos relations se sont resserrées. À côté des plus anciens, des fondateurs, nous avons eu la chance de bénéficier de nouvelles candidatures même si toutes n’ont pas abouties car monter un projet, mobiliser les ressources humaines et financières reste difficile et demande du temps. Aujourd’hui, tous les membres, et même le Ministère, témoignent de l’intérêt pour notre réseau qui va continuer à se développer en se diversifiant. C’est ce mouvement de développement qui nous a porté et permis de franchir plusieurs étapes.

Il faut se féliciter dans ce parcours dynamique du soutien constant du Ministère et tout particulièrement du Secrétariat général avec Jean-François Chantreau puis le Secrétaire général Christopher Miles et Carole Spada aujourd’hui avec Hervé Barbaret, Arnaud Roffignon, Maryline Laplace et Anne-Christine Micheu. Ces deux secrétaires généraux doivent être tout particulièrement remerciés. Nous avons un moment très fort, lors de la réunion de la Commission Nationale de 2010 à Royaumont avec la présence du ministre Frédéric Mitterrand, de Jacques Rigaud et de Jacques Legendre. Je dois un remerciement particulier à Frédéric Mitterrand qui nous avait reçu avec Isabelle Battioni quelques temps auparavant et a manifesté un vif intérêt pour ce que nous faisions. À sa suite, tous les ministres nous ont constamment soutenus en insistant sur notre mission dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle. Cette commission nationale de 2010 fut l’étape de la confiance et de la reconnaissance que nous sommes bien un acteur de la politique culturelle de l’État. L’État considère qu’il assure avec nous, avec le soutien des collectivités locales, une présence indispensable de la culture dans des territoires souvent très isolés qui ne bénéficient pas de la présence des grands équipements culturels des centres urbains. Ce relatif isolement nous oblige à être constamment au contact des habitants, au service des associations et nous oblige aussi à construire nos projets avec d’autres acteurs. Nous sommes moins dans la « représentation » que dans l’action continue d’une démarche de développement culturel.

Nous avons franchi peu à peu cette première étape. Elle nous a conduit à réinventer notre Charte pour la rendre plus ouverte et moins enfermée dans un patrimoine monumental, plus sensible aux attentes du territoire et de leurs habitants et bien sûr, aux attentes des collectivités territoriales. Ces évolutions ont été marquées par nos Rencontres annuelles à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon où se sont réellement concrétisés l’esprit et le travail collectif entre tous. C’est lors de la rencontre de 2015 avec la présence de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, et de Christopher Miles, secrétaire général, qu’a été décidé de proposer dans le projet de la Loi LCAP l’inscription des CCR. Nouvelle étape majeure dans la reconnaissance du réseau qui détermine maintenant notre nouveau positionnement vis-à-vis des services de l’État et des collectivités territoriales.

C’est cette ultime étape après dix ans de présidence et de travail avec Isabelle Battioni qui ouvre de nouvelles perspectives de travail avec tous les membres et avec les candidats que nous devons accompagner. Tout en ayant pris de nouvelles dimensions, nous devons rester conscients des défis permanents à relever car si le nombre de nos membres nous donne plus de force et plus de lisibilité, il demeure que chacun d’entre nous reste soumis aux fortes contraintes financières et surtout, reste dépendant de sa capacité à se renouveler, à démontrer sa créativité et sa performance économique. Oui, en cela nous sommes vraiment un réseau unique, indispensable ! Concernant la question financière, nous avons obtenu de la ministre Audrey Azoulay, et du secrétaire général, qu’un effort soit fait pour les nouveaux centres moins bien dotés que les anciens. J’avais demandé que cet effort soit étalé dans le temps, et nous permettre sur 4 ans une majoration via les DRAC à hauteur de deux millions d’euros, cet effort a été fait en 2017 et en 2018 et il faudra qu’il se poursuive en 2019 et en 2020. Nous sommes conscients des contraintes budgétaires et nous apprécions fortement ces majorations de crédits que nous définissons en étroite relation avec le Secrétaire Général et les DRAC.

Je n’oublie pas la dimension internationale : d’abord, l’Europe où notre approche doit être la construction de projets à partir des centres eux-mêmes. L’idée du réseau européen ne peut naître que des ententes venant du terrain. Certains le font, il faut que tous y pensent ! En Chine, nous avons un bon accord et un soutien remarquable de l’Association du Peuple Chinois pour l’Amitié avec l’Étranger (APCAE). C’est un succès. Nous allons poursuivre au-delà des deux premières créations et avec l’engagement remarquable de plusieurs d’entre vous et les soutiens de l’Ambassade. En Inde nous avons une belle perspective de relation à Jaipur à l’initiative de Minja Yang ancienne responsable du comité du patrimoine mondial de l’UNESCO et représentante de l’UNESCO en Inde pendant 4 ans. En Afrique, plusieurs projets sont en gestation au Sénégal, au Bénin, en Tunisie. Nous savons que c’est une priorité du gouvernement. Enfin, nous avons la volonté de renforcer nos liens avec l’Institut Français et avec les Alliances Françaises. Des conventions nous lient et nous encouragent à informer constamment les ambassades, les instituts et les alliances de nos actions pour que la France à l’étranger soit toujours en bon ordre de marche et non pas dispersée.

Pour conduire nos actions locales et trouver dans le réseau que nous formons la force collective dont chacun a besoin nous avons une double obligation. D’abord, être soutenu par les collectivités territoriales, communes, intercommunalités, département, région. Nous devons être un outil reconnu au service de leurs propres politiques. Ensuite, savoir créer avec les DRAC une relation de confiance, entretenir avec les directions et leurs équipes des liens concrets autour de projets qui répondent aux objectifs ministériels. Le développement de notre réseau a été pour moi et Isabelle une préoccupation majeure durant ces dix années. Ce mouvement doit se poursuivre régulièrement mais avec prudence, sachant que si le critère de la qualité du projet est déterminant, nous ne pouvons nous engager si nous n’avons pas une collectivité locale qui apporte les financements Indispensables.